Trois souris aveugles

Un bras s’introduisit, une jambe… et un homme cagoulé sauta souplement sur le parquet. Devant son écran, Thomas n’en revenait pas. La bouche ouverte, il sentait son rythme cardiaque s’accélérer brusquement et lui battre les tempes. L’homme était entièrement vêtu de noir, avec juste trois trous dans la cagoule pour les yeux et la bouche. Affolé, Thomas cliqua sur la caméra de la cuisine et y retrouva Cathy, toujours en train d’éplucher ses légumes avec des petits mouvements réguliers de tête qui semblaient indiquer qu’elle écoutait de la musique. Thomas eu un bref instant le réflexe absurde de crier pour attirer l’attention de Cathy, puis, avec des gestes nerveux, il revint au salon sur l’image duquel il vit l’intrus traverser prudemment la pièce. Thomas se mis à taper un e-mail d’alerte à Cathy :
 » ATTENTION ! IL Y A QUELQU’UN CHEZ TOI ! TOM « .
Mais Cathy n’était pas devant son ordinateur, et ce message n’avait aucune chance de l’atteindre. Les réflexions se bousculaient en vain dans la tête de Thomas au moment où il voyait l’homme entrer dans la cuisine.
 » La police !  » se dit-il brusquement en se ruant sur son téléphone portable.
Il cliqua en même temps sur la cuisine et vit sur son écran Cathy qui se levait d’un bond de sa chaise en poussant un cri qu’il ne put entendre. La jeune femme venait de voir l’homme en noir.
Les nerfs à vif, Thomas pestait contre les sonneries de recherche du correspondant de son téléphone. Enfin l’on décrocha.
– Quel service, s’il vous plaît ? demanda un opérateur.
– Police ! Police !
Sur l’écran de Thomas, l’homme cagoulé, de dos, avançait vers Cathy dont le regard terrifié cherchait désespérément une issue.
Une voix de femme se fit entendre dans le téléphone :
– Police, j’écoute…
– Une agression ! Vite !
– Calmez-vous, monsieur, lui répondit la voix posée du fonctionnaire de police.
À l’écran, l’intrus se rua sur Cathy.
– IL VA LA TUER !
– Qui va tuer qui ?
L’homme et Cathy s’empoignèrent brièvement mais l’agresseur eut rapidement le dessus. Il l’immobilisa et lui colla un large ruban adhésif sur la bouche.
– Cathy…, soupira Thomas pour lui-même, atterré.
– Cathy comment ?
– Mais je… J’en sais rien ! VITE !
Soudain, l’homme brisa successivement les deux bras de la jeune femme. Thomas en poussa un cri de stupeur.
– Monsieur ! Ça va monsieur ? intervint la femme à l’autre bout du fil.
L’agresseur jeta Cathy contre un mur de la cuisine, envoyant valser chaises et table. La jeune femme s’écroula au sol.
– Où se passe l’agression, monsieur ?
– Faites quelque chose, gémit Thomas, je vous en prie, faites quelque chose…
– Quelle est l’adresse de la victime, monsieur ?
– JE VOUS AI DIT QUE JE N’EN SAVAIS RIEN ! hurla Thomas, en larmes.
Cathy était accroupie par terre, contre le mur, le nez en sang, sanglotant avec le peu de force qui lui restait.
– Quel est votre nom, monsieur ? tenta encore le policier à qui Thomas ne faisait même plus attention.
Il raccrocha, alors que sur l’écran de son ordinateur, l’homme en noir s’avançait et sortit un pistolet équipé d’un long silencieux. Thomas en eut le souffle coupé. Il ne pouvait plus parler, voyant l’homme redresser brutalement Cathy par les cheveux et lui tirer soudain une balle dans un genou. Le corps de la jeune femme eut un spasme brutal puis elle sembla perdre connaissance.
Seul dans son appartement, assis à son bureau, Thomas gémissait doucement, ressentant au plus profond de son être la torture de Cathy. Il fixait son écran, le visage défait par l’épouvante. L’homme cagoulé tira une nouvelle balle dans le deuxième genou de sa victime en la tenant toujours par les cheveux, comme un pantin désarticulé. Puis il rangea son arme et pris de sa main libre une chaise de cuisine, sur laquelle il assit Cathy dans un équilibre précaire. L’homme se retourna un moment et prit une casserole qui se trouvait sur l’évier. De nouveau face à la caméra, il jeta l’eau et les légumes qu’elle contenait à la figure de Cathy. Elle bougea faiblement et ouvrit les yeux. L’agresseur sortit alors un long couteau de son blouson, arracha le chemisier de Cathy et coupa son soutien gorge. Puis il la tira en arrière par les cheveux pour mieux dégager son buste nu. Enfin, il éventra Cathy, fermement mais sans précipitation. Parfaitement impuissant devant son ordinateur, Thomas poussa un râle d’ahurissement puis, pris d’un vertige, ferma les yeux et sentit brusquement monter la nausée.
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