l’alibi

L’histoire

On m’a menti durant quinze ans. La politesse, la grammaire, le piano, l’anglais, l’espagnol seconde langue, l’histoire, la physique et le bac tout au bout pour se préparer un avenir… Foutaises ! La seule chose qu’on devrait nous enseigner à l’école, c’est que la vie peut basculer en un clin d’œil. Dans mon cas, ça n’a pas pris plus de trois jours

Le mot de l’auteur

« L’adolescence est, entre beaucoup d’autres choses, la période de la vie où l’on apprend à regarder ses parents différemment, à se « débarrasser » de la vénération qu’on leur voue durant la petite enfance. Car qu’est-ce que l’amour d’un enfant pour ses parents ? Les aime-t-il pour qui ils sont, ou parce qu’ils ont toujours été là ? C’est toute la problématique de mon roman, et le drame de Nicolas. D’un côté, son père et sa mère sont des parents adorables, de l’autre, ils sont des individus détestables. Que doit-il faire, dès lors, de l’amour qu’il leur porte depuis toujours ? Un amour plus fort que lui… »

Mikaël Ollivier


prix littéraires

L’alibi a obtenu le Prix des lycées professionnels du Haut-Rhin 2009.


extrait

Chapitre 4
[…]
À la plage, la mer était haute et commençait à peine à sortir de la nuit, sa surface lisse se confondant encore avec le ciel. Au large, au-delà des feux intermittents des balises et des phares, un cargo prenait le large, si haut que ses lumières semblaient celle d’un immeuble à la dérive.
J’ai posé mon vélo contre un arbre et, plus loin, me suis laissé tomber assis dans le sable.
Qu’étais-je venu faire ici ? Sans doute fuir ce qu’était devenu ma vie, et regarder le soleil se lever sur la mer pour me prouver que, malgré tout, le monde continuait de tourner.
Quand on l’observe intensément, le jour est long à se lever. Les étapes franchies sont imperceptibles, les premières couleurs sortent de la pénombre insensiblement, des nuances de plus en plus riches, mais par touches infimes.
Alors que mes yeux enregistraient ce spectacle, mon esprit feuilletait mon livre de souvenirs. Des images me revenaient, toutes liées à mon père. Je le revoyais sur la plage nord le jour où nous avons pris exactement au même instant chacun un bar de plus d’un kilo ; la fois où, pour mes dix ans, il m’avait fait sécher les cours pour passer une journée en mer sur un bateau qu’il avait loué ; quand il m’avait laissé conduire la voiture sur la neige l’an dernier ; l’hiver de mes six ans durant lequel, après que je lui eus avoué que je ne croyais plus au père Noël, il m’avait demandé de faire semblant encore une fois pour maman ; le soir, il y a cinq ans déjà, où il m’avait raconté son coup de foudre pour maman et comment il avait passé trois jours et trois nuits au pied de son immeuble avant qu’elle accepte de dîner avec lui ; cette après-midi ensoleillée sur l’île de Ré, où il m’avait appris à faire du vélo ; la soirée de pluie durant laquelle il m’avait fait la morale parce que j’avais volé des boîtes de craies de couleurs à l’école. Je me souvenais encore de ses mots : « Il n’y a qu’en étant honnête qu’on peut vraiment être heureux. Crois-moi, on ne profite jamais vraiment de ce qu’on a volé… »
Le sens intime de ces phrases m’a frappé de plein fouet ce matin-là, leur double-sens aussi, alors que de noire, la mer était cette fois devenue bleu-vert.[…]
Reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Thierry Magnier © Editions Thierry Magnier – toute reproduction interdite.

Éditions Thierry Magnier

Parution : avril 2008
Collection : Grands romans
9,00 euros – 80 pages
Niveau de lecture : à partir du collège
ISBN : 9791035203443