le monde dans la main
L’histoire
Pierre a tout pour être heureux. Plutôt pas mal, même si trop timide avec les filles, il a seize ans, une sœur pleine d’humour, un père et une mère unie, une vie de rêve baignée par des études musicales à Versailles…
Enfin ça, c’était avant que sa mère ne disparaisse mystérieusement sans laisser d’adresse !
Alors tout bascule, tout chavire, et Pierre découvre que, sous une apparence très sage, sa famille cache d’inavouables secrets.
Il lui faudra devenir un autre, moins raisonnable, plus amoureux, pour s’apercevoir qu’enfin, le monde est dans sa main.
Derrière les façades palpitent désirs enfouis, chagrins indicibles et amours interdites jusqu’au jour où la vie l’emporte. Ce roman intimiste et drôle vous ouvre les portes du monde.
Le mot de l’auteur
« Il y a des romans qui nécessitent un certain savoir-faire, de la préparation et d’autres, comme celui-ci, qui ne demandent que du « lâcher prise », ce qui est loin d’être plus facile. Ce n’est pas une histoire que j’ai eu envie de raconter, mais un peu de route que j’ai eue envie de faire avec un personnage, le jeune Pierre, 16, Versaillais et musicien, comme moi au même âge. Bien que beaucoup moins autobiographique, ce roman est, avec La vie en gros, celui que je tiens pour le plus personnel de mes parutions pour la jeunesse. »
Mikaël Ollivier
La presse en parle
extrait
Joachim, le copain d’Eglantine, recevait chez ses parents, absents pour la soirée. Ils possédaient l’une des plus grandes maisons de la pointe de la Malouine, pas directement sur le front de mer, mais juste le rang derrière, avec une vue époustouflante sur la baie. J’avais toujours considéré ma famille comme privilégiée, mais là, j’entrais dans un autre monde.
Il y avait déjà une vingtaine de personnes, tous de nos âges, tous habillés de marques, les garçons savamment décoiffés, le cheveux trop long juste ce qu’il faut pour pouvoir rejeter la mèche en arrière d’un coup de tête, les filles pomponnées sans que ça se voit, avec un apparent détachement, sans les paillettes sur la mèche trop plaquée sur le côté. Je me faisais l’impression d’être le cousin de la campagne dont on a un peu honte, le plouc qu’on n’a pas pu ne pas inviter.
La musique était forte, ça dansait dans certaines pièces, ailleurs on discutait un verre à la main, on fumait, on jouait aux cartes. J’ai croisé le regard du connard de la plage qui a fait celui qui ne me reconnaissait pas.
J’ai rapidement perdu Eglantine et pour me donner une contenance j’ai pioché un verre de Coca sur une table où des boissons étaient préparées. J’ai fait la grimace à la première gorgée en découvrant que le soda était mélangé à du whisky.
Je sentais monter en moi une humeur que je connaissais trop bien. J’étais en train de m’exclure de la soirée, de me refermer à double tour, d’endosser le rôle du mec différent qui se tient à l’écart parce que c’est dans sa nature profonde. Ben voyons ! J’aurais adoré être ce type que je voyais en train de faire rire deux filles, ou cet autre qui dansait, yeux fermés, un verre à la main tenu par le dessus entre ses doigts, ou celui-là encore, entouré d’une grappe de filles qui se roulait un pétard. Mais moi, j’étais celui qui ne se sentait jamais à sa place et qui essayait, en vain, de se convaincre que c’était parce que l’attendait un destin extraordinaire.
Après une bonne demi-heure à changer sans cesse de place pour que ma solitude ne se remarque pas trop, j’ai marché jusqu’à une porte vitrée qui ouvrait sur le jardin. L’air sentait le sel, les algues et la pelouse fraîchement tondue. J’ai descendu les trois marches du perron et j’ai traversé le jardin vers un bosquet de buis tourmenté par les vents qui soufflent fort tant de jours de l’année dans cette région du nord de la Bretagne. Son odeur m’a rappelé le parc du château de Versailles. Deux merles s’en sont bruyamment échappés. Par-delà une grille un peu rouillée, la mer s’étirait à perte de vue, absolument lisse et d’un bleu électrique à cette heure où elle semblait vouloir capturer les derniers feux du jour. Le soleil était couché mais le ciel encore clair. Saint-Malo sur la droite, l’île de Cézembre en face… Mon paysage. Qu’est-ce que j’aimais ce coin où j’avais si souvent eu, dans mon enfance, la sensation de m’y rencontrer moi-même, comme si la mer, cette mer-là en particulier, me permettait d’approcher d’une idée de ma personne plus acceptable. Me rendait meilleur, plus grand à mes propres yeux.
Éditions Thierry Magnier
Parution : 31 août 2011 (rééd. janvier 2012)
Collection : Grands romans
8,00 euros – 279 pages
Niveau de lecture : à partir du collège
ISBN : 978-10-35201968