premier rôle

L’histoire

On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu’on n’oserait confier à personne. Cette phrase du philosophe Cioran, Laura l’a lue et relue des dizaines de fois avant de se décider à écrire. Le voilà, peut-être, le moyen de se libérer de cette culpabilité qui l’écrase depuis des mois ? Alors elle raconte. Elle raconte Nino, qui l’a recueillie quand sa propre mère n’a plus voulu d’elle. Cette grand-mère qui n’a aimé qu’elle, Laura, et le cinéma. Les deux passionnément. Elle raconte leur vie rythmée par les sorties en salles du mercredi et les soirées DVD, enchantée par les musiques de films et peuplée d’actrices et d’acteurs magnifiques. Elle nous raconte aussi le rôle qui a été le sien du jour où tout a basculé. Ce rôle qu’elle n’osait confier à personne. Son premier rôle. Ode au septième art, drame psychologique bouleversant, Mikaël Ollivier signe un roman porté par trois générations de femmes inoubliables.

Le mot de l’auteur

« Plus j’écris (et plus je vieillis, ce qui revient au même), moins j’en sais sur mes intentions quand j’entame un nouveau roman. Il me semble loin le temps où j’abordais chaque texte avec une thématique précise et une idée claire du lectorat auquel je désirais m’adresser. J’étais jeune, et bien présomptueux sans doute… Aujourd’hui, le livre se construit ligne après ligne, page après page, de façon laborieuse – au sens premier du terme – et vacante. Car plus que jamais, quand j’écris, je me sens perméable à « l’extérieur », à « ce qui arrive. » Ouvert aux accidents. Je commence un roman, et c’est un autre que je termine des mois plus tard. Il est évident que Premier rôle serait très différent, ou même ne serait pas, sans la crise Covid, si ma mère n’y avait pas succombé, si les salles de cinéma n’avaient pas fermé durant des mois au profit des plateformes de streaming. C’est un roman que je n’aurais pu écrire à une autre époque de ma vie. Difficile de dire, en quelques mots, de quoi il retourne. Ce texte est nourri de ma colère et de ma passion.
Colère contre la brune bien-pensance qui gangrène chaque jour un peu plus la société française. Passion pour le cinéma, aussi vive que quand j’avais quinze ans et que je séchais les cours pour me réfugier au cinéclub dans les couloirs duquel je chapardais les photos en noir et blanc de mes idoles.
Premier rôle est une ode au 7e art et à ses artisans. Et un hymne à la liberté de vivre et de mourir à sa guise. Il aura fallu que j’y mette le point final (façon de parler puisque le livre n’en contient pas !) pour que je comprenne qu’il s’agit surtout d’un roman d’amours. D’amours au pluriel, et donc au féminin. D’amours, ainsi que l’écrit Laura, ma jeune narratrice,  » Magnifiques ou manquées. Comme au cinéma. »

Mikaël Ollivier


La presse en parle

« Premier rôle », de Mikaël Ollivier : trois générations de femmes profondément humaines
Lundi 13 novembre 2023

De savants romans pour adolescents !

Mercredi 1 novembre 2023


extrait

Sur la petite tombe de Nino, au-dessus de ses années de naissance et de mort gravées dans le marbre, 1938 – 2021, il y a, comme elle en avait exprimé la volonté, un portrait de Gene Tierney dans un cadre. La sépulture ne manque jamais d’attirer l’attention des visiteurs du cimetière. Certains, même, font des selfies devant.
Nino s’était très tôt identifiée à l’actrice, peut-être parce qu’elle se prénommait Geneviève, facile à diminuer en Gene… ? Elle me disait, montrant une photo d’elle a 20 ans : Tu ne trouves pas que c’est frappant, P’tit’Miss… ? Non, je ne trouvais pas, mais me gardais bien de le lui dire. Nino était jolie, à quatre-vingt-trois ans comme à vingt, mais ronde, pour ne pas dire grosse, bien loin en tout cas de la silhouette de Gene Tierney. Bien sûr elle était brune, et quelque chose dans les pommettes, habilement souligné par un maquillage très étudié, pouvait, vaguement, évoquer la star hollywoodienne période Le ciel peut attendre. Mais il fallait y mettre beaucoup de bonne volonté. Ou d’amour. Nino allait même jusqu’à trouver une ressemblance entre Bernard, son second mari, et Rex Harrison, qui interprète le fantôme dans L’aventure de Madame Muir, le film de Mankiewicz. Là, je m’insurgeais ouvertement car, comme Lucy Muir, j’étais tombée amoureuse du fantôme du capitaine Gregg dès ma découverte du film, à l’âge de sept ans.
J’ai été élevée par Nino, mais aussi par Mankiewicz, Scorcese, Akerman, Moretti, Ozu, Kazan, Truffaut, Lubitsch, Boetticher, Campion, Ophüls, Forman, Hitchcock, Kawase, Carné, Curtiz, Granier-Deferre, Rossellini et des dizaines d’autres.
Pour sa crémation, elle avait tout prévu, bien listé sur une feuille de cahier à spirale que j’ai trouvée dans le tiroir de sa table de chevet. Pas de fleurs, pas de discours, surtout pas de curé (souligné en rouge) mais de la musique et des extraits de films, dont elle avait certainement passé des nuits à faire et défaire la liste. Elle voulait que la cérémonie ressemble à une soirée ciné-club.
Pour l’entrée, le thème composé par Wojciech Kilar pour Le Roi et l’oiseau, « notre » film d’animation, à Nino et moi (elle m’a interdit les Disney toute ma jeunesse), que j’ai vu des dizaines de fois (probablement plus de cinquante) blottie contre elle dans le canapé du salon, et pour la sortie, le Grand Choral de La Nuit américaine, de Georges Delerue, son compositeur préféré. Je me suis évanouie quand, après les cordes, la trompette est entrée au moment où le cercueil disparaissait derrière la petite trappe pour être brûlé. Cet air, c’est tout Nino. L’euphorie et le tragique en même temps. Un débordement. Un déferlement. Trop pour moi le jour des obsèques, auxquelles nous étions une quinzaine à assister. Des voisines, des anciennes patronnes de Nino, Mireille, Alain dans les bras de qui je me suis retrouvée quand je suis tombée dans les pommes, et ma mère, cette connasse.
Reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Thierry Magnier.
© ÉditionsThierry Magnier – toute reproduction interdite

Éditions Thierry Magnier

Parution : 23 août 2023
Collection : Grands romans
16,20 euros – 250 pages
Niveau de lecture : adolescents, young-adults
ISBN : 979-10-352-0657-4