tout doit disparaître
L’histoire
Hugo a suivi ses parents en poste pour quatre ans à Mayotte, petit bout de France perdu au coeur de l’océan Indien. Seul élève blanc de sa classe, il a du mal à s’adapter : les bidonvilles, la chaleur, la façon d’appréhender le monde, les relations amoureuses. Pourtant c’est au retour en métropole que le choc est le plus brutal. Frénésie des soldes, invasion des marques, publicités tapageuses et surconsommation… Au regard de ce qu’il a vécu sous les tropiques, tout révolte Hugo et le dégoûte. Il entre en résistance.
Le mot de l’auteur
« J’ai eu la chance d’être invité à Mayotte, entre Madagascar et le Mozambique, pour y rencontrer de jeunes lecteurs. Une tournée des collèges passionnante, riche en rencontres, en dépaysement et en enseignements. Riche d’instants que je n’oublierai jamais. À mon retour en métropole, les informations télévisées passaient en boucle les images d’hommes et de femmes prêts à se battre pour les vêtements à la mode du moment, t-shirts et autres accessoires H&M portant la griffe Karl Lagerfeld.
Le contraste était saisissant entre le dénuement mahorais et la frénésie consumériste métropolitaine. Mon prochain roman était né. »
Mikaël Ollivier
La presse en parle
Des romans pour l’été.
Tout cet été, sélection de grands romans dans Les enfants des Livres, aujourd’hui : Tout doit disparaître de Mikaël Ollivier, aux éditions Thierry Magnier.
Voilà bien un roman qui devrait plaire aux ados, de 13 à 18 ans, et pourquoi pas au-delà. Il affronte des thèmes furieusement d’actualité : racisme et identité nationale, surconsommation et règne des marques, altermondialisme et tendance « No Logo », égoïsme repu du Nord et tentation du Sud de singer les codes du Nord…
[…]
Tout doit disparaître est […] l’histoire frémissante d’un jeune garçon devenant jeune homme qui, à 11 ans, suit des parents enseignants à Mayotte, où ils ont été nommés. On apprend beaucoup sur Mayotte avec Hugo, mais en douceur ; tout passe par des dialogues ou des descriptions qui font avancer l’histoire, contée d’une plume fluide et racée. Ce voyage originel marque Hugo à tout jamais : Mayotte, fait dire l’auteur à un personnage, est une île pleine de la fureur, de l’indolence et de la sincérité de l’adolescence ; c’est à travers elle qu’on suit l’entrée d’Hugo dans cet âge tourmenté. Le retour en France est forcément violent et le jeune homme ne résiste pas à la vacuité qu’il affronte, l’obsession de la consommation, la mode…
Il fera son choix : l’action – on croise dans ce livre des mouvement bien réels de révolte contre la société de consommation.
Ultime subtilité : si les adultes en prennent pour leur grade, le roman se garde de caricaturer. Entre Françoise, la documentaliste mariée à un mahorais, le grand-père de Hugo, jamais consolé de la mort de sa femme, et un père qui collait des affiches du Che sur les murs de sa chambre, Hugo est bien obligé de toucher du doigt les contradictions qui l’attendent, et l’ombre de possibles compromis plane, en dépit de la promesse finale faite à la belle Charly de continuer le combat jusqu’au bout.
Emmanuel Davindenkoff – 26 août 2007
Une seule scène suffirait pour distinguer ce livre. Celle où Hugo, 14 ans, se retrouve seul, un soir, face à son grand-père, et voit soudain à travers les confidences du vieux monsieur l’adolescent qu’il a été, fou amoureux d’une fille lumineuse, sa grand-mère. La simplicité des mots, la fulgurance de l’émotion qu’ils soulèvent, touchent immédiatement. Comme l’ensemble du roman, qui raconte au plus près des sentiments, des questions et des révoltes, l’itinéraire de son héros, de l’île de Mayotte, dans l’océan Indien, où ses parents sont partis enseigner, à son retour en métropole. Différence des cultures, scandale des inégalités, matérialisme effréné de notre civilisation, découverte de l’amour, ce texte, remarquable d’énergie, frappe par son ambition et son tempérament.
M.A. – juillet 2007
prix littéraires
• Prix France télévisions 2008 (Catégorie roman / jeunesse)
• Prix Gragnotte 2008 de la ville de Narbonne
• Prix des collégiens et prix spécial du jury de la fête du livre de Villefranche de Rouergue
• Prix du jury littéraire du Giennois 2008
• Prix des Embouquineurs 2007/2008
• Prix des Lycéens autrichiens 2008/09
adaptation télé
Paradis Amers, le film de Christian Faure tiré de Tout doit disparaître et écrit par Mikaël Ollivier et Sandro Agenor, a été diffusé le mercredi 15 janvier 2014 à 20 h 45 sur France 2.
Ce film a obtenu le Prix du meilleur scénario au festival Fiction TV de La Rochelle en 2012.
Avec Solal Forte, Isabelle Gélinas, Thomas Jouannet et Michèle Bernier.
extrait
J’aurais aimé avoir le sens de la répartie. Dire ce qu’il faut sans hésiter, trouver les mots sans bafouiller, au moment précis où j’en ai besoin. Clouer le bec à mon interlocuteur, lui fermer sa gueule, calmement, pertinemment, spirituellement.
Il y a des gens qui font ça très bien. Moi pas.
Je rougis, je m’énerve et je boude. Dix minutes plus tard, une heure ou même le lendemain, la réplique qui tue me vient soudain comme une évidence. Toujours trop tard, quand il ne me reste plus qu’à me traiter de gros abruti, de nul, de tache, de bouffon. Quand il ne me reste plus qu’à me rejouer la scène, à me rêver audacieux et fort, à réécrire les dialogues en me donnant le beau rôle. Quand il ne me reste plus que des regrets.
L’eau du bain est si chaude que c’en est presque insupportable. Délicieusement insupportable. Comme quand j’étais petit. Ça faisait un bail. J’ai pris l’habitude des douches, sous les tropiques. C’était mon luxe, là-bas, tellement j’avais trop chaud tout le temps. J’en prenais au moins cinq par jour, même si c’était pire après et que je me retrouvais en sueur à peine l’eau coupée.
Ici, en métropole je veux dire, quand j’étais gosse, je me faisais couler un bain chaque dimanche matin, dans lequel je restais jusqu’à temps que ma peau soit fripée comme celle d’une pomme oubliée au fond d’une cagette. Je m’y racontais des histoires, je transformais la mousse en icebergs, mes genoux en îles volcaniques, mon sexe en monstre du Loch Ness pointant son nez de temps en temps à la surface de l’eau. J’y faisais aussi des concours d’apnée, tête en arrière, nez pincé entre le pouce et l’index. Je me demandais toujours s’il était possible de mourir ainsi, de se noyer dans son bain juste par la volonté de garder la tête sous l’eau.
Comme à cette époque, ce matin, je suis presque complètement immergé, à l’exception de mes pieds que je suis obligé de poser contre les carreaux froids du mur car mes jambes sont maintenant beaucoup trop longues pour que je tienne en entier dans la baignoire. Ça n’a pas que des désavantages : quand l’eau commence à refroidir, je peux manier le robinet avec mes orteils pour faire couler du chaud.
De mon visage, il ne reste que le nez et les yeux à l’air libre. Ma respiration résonne à l’intérieur de moi telle celle d’un astronaute en sortie dans le vide sidéral. J’entends aussi mon cœur qui bat et je me dis que le monde devait se résumer à ça quand j’étais dans le ventre de ma mère : les bruits extérieurs à la fois lointains et précis et, plus proche, la percussion régulière d’un cœur. Trois fois rien. La vie.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps de laisser mes idées partir ainsi à la dérive. C’est dingue la vitesse à laquelle fonctionne le cerveau, le nombre de pensées qui se superposent, d’images qui se télescopent, passées ou présentes. Aucun film n’est capable de retranscrire ça. Aucun livre. Là, à l’instant, en même temps que je formule cette idée, je vois mentalement des images de Mayotte, des sensations de mon enfance me chatouillent, les événements de ces dernières semaines défilent et la phrase que j’aurais dû répondre ce matin à mon père vient se percher sur le bout de ma langue comme à l’extrémité d’un plongeoir.
Car je sens que je vais bientôt me rejouer la scène du petit dej façon Hollywood, troquant mon vocabulaire anémique, ma voix flottante et ma peau grasse et boutonneuse contre l’assurance insolente d’un Will Smith. Trop tard, une fois de plus, je vais trouver les mots que j’aurais dû répliquer à mon père quand, à bout d’arguments, il m’a lancé :
– Mais alors, qu’est-ce que tu vas devenir, Hugo ? Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Dis-moi, je t’écoute ! Qu’est-ce que tu veux faire dans ta vie ?
Ça n’a l’air de rien, dis comme ça, mais il faut imaginer ces phrases prononcées de cette voix que seuls les parents sont capables de prendre, mélange d’inquiétude, d’exaspération, de défi, de mépris, de déception et d’amour. Un cocktail parfaitement indigeste. Ces mots et la tonalité avec laquelle ils ont été prononcés sont censés me montrer combien mon père est cool et à l’écoute, tout en me suggérant que je suis un ingrat mais qu’un jour, quand je serai grand, je comprendrais combien je suis dans l’erreur. Cette question qui n’appelle aucune réponse m’a laissé un sale arrière-goût de culpabilité, de doute, de colère et de frustration.
Qui pourrait répondre à ça ? Personne, à part Will Smith, parce qu’il a une armée de scénaristes qui lui écrivent ses répliques.
Le sens de la répartie, finalement, ça ne doit exister qu’au cinéma. C’est comme les héros qui sortent d’une bagarre ou du lit impeccablement coiffés. Ça n’existe pas dans la vraie vie.
Dans la vie, on est toujours déçu par soi-même. Comme moi dans mon bain, là, maintenant, sur le point de trouver deux heures trop tard quoi répondre à mon père, qui suis en train de me repasser le film de ces cinq dernières années.
Reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Thierry Magnier © Editions Thierry Magnier – toute reproduction interdite.
Éditions Thierry Magnier
Parution initiale : mai 2007
Collection : Romans
8,00 euros – 155 pages
Niveau de lecture : à partir de 12 ans
ISBN : 978-10-35201975
Illustrations : Lucia Calfapietra et Niclo Giacomin
aux éditions Gallimard jeunesse
Réédition : mai 2021
5,90 euros – 200 pages
Niveau de lecture : à partir de 12 ans
ISBN : 978-2-07-5 15559-5